Sur les traces de Wotan, le dieu de la guerre

Trois ruines pour un château

La forêt domaniale de Saverne abrite un plateau rocheux appelé le "Wuestenberg", mot qui désigne une montagne désertique. Mais ne nous méprenons pas, de désert dans ce coin du Bas-Rhin il n'y en a point. Néanmoins vous y trouverez la solitude de l'âme et un havre de paix et de verdure. C'est également une évocation du dieu Wotan issu des mythologies scandinave et germanique. En effet, Wotan, aussi appelé Odin, est le principal dieu nordique du savoir, de la victoire et de la mort.



Mais avant de mettre nos pas dans celles de ce guerrier redoutable, nous allons d'abord nous diriger vers une ruine médiévale, le château des seigneurs d'Ochsenstein.

Le point de départ se trouve à la maison forestière Haberacker, au croisement de nombreux chemins de randonnée.



Le rocher portant le château est situé à l'extrémité Sud du bien nommé Schlossberg, lui-même dans le prolongement du plateau du Wuestenberg. L'ensemble, traversé par le GR531, est posé entre le Schweizerberg et le Hirschberg, fait environ 2 km de long du Nord au Sud, séparé par le col du Krappenfels.



La montée au château d'Ochsenstein, il se trouve sur le chemin de randonnée des châteaux-forts d'Alsace, ne présente aucune difficulté particulière. Le site est en fait constitué de trois châteaux. Le premier que l'on rencontre est le Grand Château, c'est également le plus important des trois. Il se dresse à l'extrémité Sud du Schlossberg, au-dessus de la clairière du Haberacker et de la maison forestière du même nom.



Escalier d'accès au haut château du Grand Ochsenstein.



Un peu d'histoire

Premier membre de la puissante dynastie des Ochsenstein à être connus, Burkhard, né en 1140, est probablement à l'origine de la construction des châteaux durant la deuxième moitié du XIIe siècle. En 1187, il signe une charte de Frédéric Ier de Hohenstaufen (Frédéric Barberousse), empereur du Saint-Empire romain germanique. Othon II ou III, selon la numérotation généalogique adoptée, petit-fils de Burkhard, épouse en 1243 Cunégonde de Habsbourg, la soeur de Rodolphe de Habsbourg, roi des Romains. Les Ochsenstein entrent ainsi dans la cour des grands.



La ruine, c'est d'abord un vieux mur recouvert de lierre, percé de trois ouvertures. Par une échancrure, on pénètre dans la vaste basse-cour. Çà et là, quelques vestiges de tours, de tronçons de murs et de pierres éparpillés. Taillé dans la roche à flanc de falaise, un escalier aux marches disjointes mène au sommet du promontoire.



La chapelle castrale et le puit à filtration en haut de la tour-habitat.



Depuis cette hauteur, la vue porte au loin. Tournant le dos à l'orient, c'est la vision étonnante d'un navire d'un autre temps qui attire l'attention. Echoué sur son récif de grès au milieu de nulle part, c'est le rocher de Dabo, surmonté de la chapelle dédiée à Léon IX, le pape alsacien.



Du logis, seuls quelques rares vestiges ont résisté à l'usure du temps et des hommes. Il y a là une remarquable citerne à filtration, protégée par une voûte, la chapelle castrale et ses retombées de voûte. Au hasard, sous l'inextricable végétation, on découvre encore des vestiges de latrines, un évier etc.



Le rocher de Dabo où s'élevait jadis le château de Dagsbourg. (À ne pas confondre avec celui d'Éguisheim Haut-Rhin)



Du château du milieu il ne reste aucune trace. Appelé Wasselnheim, car occupé par une branche de la famille des seigneurs de Wasselonne, il est attribué par testament à Eberhard d'Ochsenstein en 1217, second fils d'Othon Ier d'Ochsenstein.



Le Petit-Ochsenstein est le dernier château rencontré, il n'en reste pas grand-chose. Il se présente comme un énorme cube, auquel s'appuie un mur rongé par le temps. On accède au sommet du rocher par une échelle posée contre une sombre ouverture. Celle-ci se prolonge par un tunnel tournant dans lequel a été taillé un escalier. Là-haut sur la plateforme, il ne reste rien, si ce n'est la vue partiellement obstruée par la végétation.



L'accès au sommet du rocher se fait par un tunnel taillé dans le grès.



Sous le bleu d'un ciel presque vide de nuage, nous poursuivons notre chemin en direction du Nord, vers le Krappenfels. Sur le plateau du Schlossberg, le sentier se faufile entre fougères, chênes, hêtres et autres conifères, c'est une forêt basse aux essences multiples. Tout autour de nous, des collines et des vallées verdoyantes, la journée est magnifique.





Au-dessus de cette végétation rase, se dresse parfois comme un fantôme surgit du passé et figé dans une grotesque danse macabre, un vieil arbre décharné, le tronc patiné par le temps.



Le sentier descend rapidement jusqu'au col du Krappenfels. Là, c'est une paroi à pic qui se dresse devant nous. Haute d'une bonne vingtaine de mètres, il faut contourné la falaise pour atteindre le sommet du Krappenfels, la porte d'entrée du Wuestenberg, la montagne désertique. De cet endroit hors du temps, se dégage une impression de grande solitude et de beauté sauvage.



Le rocher du Krappenfels, à l'extrémité Sud du Wuestenberg.



Un site de hauteur fortifié

Au Nord, le plateau est barré par un ou des murs en pierres sèches dits "païens", d'origine incertaine. De la céramique datée de la fin de l'âge du fer aurait été mise à jour dans les années 1950. Des fragments de meules et de tuiles gallo-romaines, ainsi que des stèles funéraires de la même période, insérés dans un mur d'enceinte, ont également été découvertes lors de fouilles plus récentes. Utilisé comme carrière, le site du Wuestenberg a été démantelé petit à petit au cours du Moyen Âge, lors de la construction des châteaux d'Ochsenstein.



Le mur païen du Wuestenberg.



En somme, peu de certitude, mais beaucoup d'interrogations sur les différentes périodes d'occupation du Wuestenberg. Présence celte peut-être, gallo-romaine et médiévale sûrement. Là, sur cette crête, au milieu de cette forêt parsemée de rochers et de mystères, on a alors vite fait de se laisser emporter par son imagination qui s'emballe. Tout se mêle et s'entrechoque, druides tout de blanc vêtu côtoyant quelques chevaliers en armure. Un peu plus loin, surgissant du néant, c'est Wotan, entouré de ses walkyries transportant vers le Walhalla, les âmes des guerriers morts au combat.



L'imposante pierre des Druides.



Ils n'auraient d'ailleurs pas loin à voler. À moins de 3 km vers le Sud, à l'extrémité méridionale du Spillberg, se dresse le Geissfels. Là, sous le rocher, au fond d'une petite grotte, se cacherait une des six cent quarante portes de ce paradis légendaire.



Mais bien vite, la réalité reprend ses droits. Au bout de la colline, deux blocs de grès recouverts d'une belle mousse laisse un étroit passage, comme une porte qui s'ouvre sur le présent. Le sentier redescend, et d'une seule traite nous ramène vers la maison forestière du Haberacker.



Nous quittons par cet étroit passage, le Wuestenberg, la montagne désertique.





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