De grès et de granite



Un voyage dans le passé

Témoins des bouleversements géologiques, les rochers de grès rose des Vosges du Nord et des Vosges moyennes dressent leurs parois fissurés et ridés depuis plus de 250 millions d'années.






L'Altschlossfelsen

Ce rapide survol des rochers remarquables de grès, ou de granite, alsaciens et lorrains, commence par l'un des plus connus, qui se trouve en Allemagne ! C'est l'une des plus longues falaises de grès du Palatinat. Elle s'étend sur près d'1,5 km et atteint par endroit 30 mètres de hauteur. L'Altschlossfelsen, plus connu sous le nom de "Colorado du Bitcherland" ou "Petit Colorado alsacien", est entièrement situé du côté Allemand, à quelques mètres seulement de la frontière avec la France. Le rocher et directement accessible depuis le village mosellan de Roppeviller au nord de Bitche.



L'origine de ce grès provient de l'érosion des reliefs de la chaîne Hercynienne. Au début du Trias, il y a 250 millions d’années, les reliefs hercyniens se sont aplanis jusqu’à former une pénéplaine.
Les sables et les galets issus de cette érosion, portés par des rivières qui descendent des montagnes, vont s'accumuler dans une immense plaine deltaïque en bordure d'une mer qui s'étend sur l'Allemagne, l'Alsace et les Vosges qui n'étaient pas encore une montagne.



Ces sables et galets vont être enfouis et recouverts par de nouveaux dépôts sédimentaires. Sous l'effet de la pression et de la chaleur, les sables et galets vont peu à peu se compacter et se solidifier ensemble. Ce phénomène aboutit à la formation d'une roche sédimentaire, le grès.





Sculptés par l'érosion au fil des millénaires, ils ont pris des formes étranges ou curieuses, auxquelles l'imaginaire local empreint de croyances a donné des noms évocateurs comme le Luchsfelsen, le rocher des Païens, le rocher des Tziganes, le Schnepfenfelsen, le rocher Garibaldi...


Des totems antédiluviens

En barres, en falaises, en éperons, en promontoires, mais également en arches, en abris sous roche, ou encore en grottes, les rochers des Vosges du Nord ne dévoilent leurs secrets qu'à la force du jarret et à la sueur du front !

Comme de vieux mâts totémiques, des pitons solitaires se dressent aux sommets de certaines collines.

Dissimulés au milieu des hêtres et des pins, ces monolithiques témoignent des temps géologiques, à l'image du rocher du Hibou sur le Hirschberg, le rocher de l'Homme sur les hauteurs de Dambach ou encore le rocher de la Spill qui se dresse au sommet du Spillberg.





La nature prend son temps

Le socle gréseux des Vosges du Nord, s'est formée il y a des millions d'années. Il est issu de l'érosion de la chaîne hercynienne, un massif montagneux d'environ 3000 km de long sur 700 km de large. Le massif atteignait des hauteurs équivalentes à celles de l'Himalaya. La pluie, le vent et le gel ont façonnés et sculptés les rochers que nous découvrons aujourd'hui lors de nos randonnées




Le Kleiner Hundskopf, la petite tête de chien. Sturzelbronn, Moselle

Le Wachtfels, le rocher sentinelle. Obersteinbach, Bas-Rhin
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Le rocher de l'Arche

Cet étonnant rocher se trouve en Meurthe-et-Moselle, au-dessus du lac de Pierre-Percée et à proximité du col de la Chapelotte. Au cours de la Première Guerre mondiale, les environs du col ont été le théâtre de violents affrontements. De nombreux vestiges sont encore visibles, dont la grotte des Poilus.

L'arche est facilement accessible par le sentier des Roches ou par les nombreux chemins balisés par le Club Vosgien.



Le rocher des Siamois

Les deux piliers de grès d'une vingtaine de mètres de haut, sont liés l'un à l'autre à leur sommet. Quelques milliers d'années vont encore s'écouler avant que l'érosion ne les sépare.

Ils se dressent dans la vallée de la Zorn, en léger contre-bas d'un sentier appelé "La circulaire du rocher des Siamois" dans le village d'Hommert en Moselle.



La roche des Fées

À quelques pas du château de Turquestein-Blancrupt en Moselle, se trouve ce curieux rocher formant une avancée. Il est soutenu par 4 piliers en forme d'arches. Il pourrait s'agir d'un ancien lieu de culte, des traces d’occupations celtiques ont été découvertes à proximité.


Comme une signature au bas d'un document, nos prédécesseurs du Néolithique, il y a 5000 à 2000 ans avant J.-C., nous ont laissé de nombreuses traces de leurs passages. Sous forme de stries creusées aux pieds de certaines falaises, de nombreux rochers en gardent encore le souvenir.




Le plus impressionnant de ces ateliers d'affûtage est sans conteste le polissoir d'Haspelschiedt, au nord de Bitche. En partie protégée sous un étroit passage, plusieurs centaines de rainures se laissent admirer sur plus de 25 mètres de long. En décembre 2019, une partie du rocher s'est effondrée, heureusement sans toucher le polissoir.




À la surface de certains rochers de grès, on peut parfois observer des dépressions sphériques de quelques centimètres de diamètre. Ce sont les fameuses cupules qui font tant fantasmer les adeptes de la culture celtique. Mais ces petits bassins ont une origine tout à fait naturelle.
En effet, ils pensent fermement que ces cavités ont été creusées par la main de l'homme. Leur but était de servir d'autel ou de lieu de célébration de culte. Les celtomanes y voient des pierres à sacrifice où les druides venaient couper la tête de leurs victimes au-dessus du bassin servant à récupérer leur sang.





Vue d'en-haut

Ce petit voyage dans le temps, ne serait pas complet sans prendre un peu de hauteur. Avec au nord le Grand Wintersberg et ses 581 mètres, le Donon plus au sud qui culmine à 1009 mètres, les Vosges moyennes offrent toutefois de magnifiques vues panoramiques.




Depuis ces promontoires, le regard se perd dans le lointain. À perte de vue et de chaque côté vers lequel on se tourne, ce ne sont que collines boisées qui ondulent vers l'infini, vallées sombres et profondes où coulent de paisibles ruisseaux et rivières. De ces endroits reculés, aucune habitation, aucun bruit n'est perceptible, on croirait le monde inhabité.



La roche des Enfants

Ils sont morts avant d'avoir vécu, la vie n'a pas voulu d'eux. Ils ne l'ont pas fait exprès. Pour les punir de ne pas vivre, ils ont été rejetés en dehors de l'enceinte sacrée. La compassion, l'amour du prochain ne tient pas devant l'ignorance, la bêtise, et le fanatisme.
Alors, par désespoir, les parents se tournaient vers d'autres croyances venues du fond des âges.
Réminiscence d'un passé lointain, ils venaient déposer le petit corps sur le rocher et ainsi confier son âme à la grande déesse,
la fileuse de la Toile qui relit les mystères de l'univers et le monde ici bas.
Les âmes pures
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Un étage plus haut

Un peu plus au sud, au-delà de la vallée de la Bruche, ce sont les crêtes des Hautes Vosges qui nous offrent un tout autre paysage. Ici, c'est le domaine du granit et de l'érosion en boule. La vue infinie s'étale dans toutes les directions. Toutes les Vosges se révèlent sans limites, sans contrainte.
Vers l'ouest la Lorraine, vers l'est l'Alsace et au loin, la ligne sombre de la Forêt-Noire. Par temps clair, c'est vers le sud-est qu'il faut porter son regard. Au soleil couchant, les derniers rayons illuminent alors les sommets enneigés, légèrements teintés de rose, des plus hauts sommets alpins.

Le Steinberg

D'énormes blocs de granite, comme tombés du ciel, se dressent sur la lande du plateau dénudé. Ici, le vent d'ouest, frais et humide, est le maître, il fend la montagne et casse les rochers. Depuis l'océan rien ne l'arrête.

Le Taubenklangfelsen

Enfin, la forêt devint moins serrée, la vue s'élargit. Une étendue immense, vide, s'ouvrait devant moi. Çà et là, quelques arbustes rabougris, tassés comme des vieillards, le dos courbé, la peau sombre et ridée. Bientôt, j'aperçus devant moi, à peu de distance, un homme en robe brune d'ermite, un large chapeau sur la tête, la barbe longue et en désordre. Il était assis sur un morceau de rocher, au-dessus du précipice. Les mains jointes, il regardait, perdu dans ses pensées les horizons lointains.


Les Vosges ont longtemps servi de refuge à de nombreux animaux sauvages, avant qu'ils ne soient exterminés par la chasse ; l'ours brun, le bison d'Europe, l'auroch, l'élan, le bouquetin, le cheval Tarpan, le loup, le lynx... Ces deux derniers reviennent toutefois timidement. Le chamois a été réintroduit en 1956. Une autre réintroduction fait polémique et couler beaucoup d'encre actuellement, c'est celle du coq de bruyère ou Grand Tétras. Elle s'élèverait à un peu plus d'un million d'euros...




Les premiers brouillards d'automne traînent déjà dans les vallées. Poussées par le vent, les nappes de brume grimpent au flanc des montagnes, s'accrochent aux broussailles et suspendent leurs écharpes de mousseline à la cime des sapins.




La roche des Fées

À 1220 m d'altitude, le site est uniquement accessible à pied, depuis l'auberge du Gazon du Faing. Les rochers sont invisibles depuis la route des Crêtes. C'est une ancienne carrière d'extraction du granite, comme l'attestent les nombreux rochers disséminés dans le sous-bois.

La Martinswand

Vue depuis le col du Falimont. Face au Hohneck, la paroi de granite, site d'escalade réputé de 80 m de haut, se dresse au-dessus du cirque glaciaire du Frankenthal-Missheimle. On y trouve la drosera carnivore, la sphaigne, l'andromède, la canneberge et l'airelle des marais.

Le Champ de roches

Le chaos rocheux de Barbey-Seroux dans les Vosges forme comme une rivière de roches de 400 m de long et de 40 m de large. Sa profondeur est de 7 à 8 mètres. Son origine serait un dépôt morainique d'un glacier de l'ère quaternaire. On trouve le même chaos à Barembach près du camp du Struthof.

Le rocher Hans

aussi appelé château Hans en raison de son aspect ruiniforme, se dresse à 90 m au-dessus du lac Blanc. Il est accessible sans effort depuis le Gazon du Faing en passant par la source du lac Blanc.



Le rocher de l'Observatoire

ou Observatoire Belmont. Du nom de l'officier du 11ème Chasseurs Alpins qui occupait le poste d'observation pendant la guerre de 1914-1918. Blessé lors d'un bombardement près du Hartmanswillerkopf, le capitaine Ferdinant Belmont meurt le 28 décembre 1915 à Moosch des suites de ses blessures.

ℚuelques liens vers des articles rocheux du blog

  1. Le Maïefelse
  2. La roche Mère Henry
  3. Du Rommelstein au Calice
  4. Du Pfaffenlapp au Breitberg
  5. Une randonnée néolithique et géologique à l'Altschlossfelsen


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