La Tête des Faux
Du village du Bonhomme, le GR5 balisé du rectangle rouge part en direction de l'étang du Devin. Dès les premiers mètres, le sentier s'élève sur les pentes du Bois Brûlé, au milieu des myrtilles où il suffit d'étendre ses bras pour cueillir les petits fruits rouges. Avant d'arrivée à l'étang, le chemin passe à proximité des vestiges d'un ancien cimetière militaire allemand de la guerre de 1914-1918, appelé "Hexenweiherkirchhof", cimetière de l'étang des sorcières.
- Par moi-même - Publié le 16 juillet 2019 - Lapoutroie/Le Bonhomme - Haut-Rhin
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Mis au goût du jour le 17 avril 2024
À l'intérieur du cimetière, un banc en pierre, des niches et plus loin quelques stèles gravées des noms de soldats, sont intégrés dans le mur d'enceinte. D'autres stèles sont disséminées çà et là entre les arbres.
Un cimetière au milieu des hêtres et des sapins.
Le large chemin descend ensuite en direction de l'étang du Devin. Issu de l'ère glacière, l'étang s'est transformé en tourbière au fil des millénaires, par l'accumulation et la décomposition de plantes aquatiques. Celui-ci a presque entièrement disparu sous la végétation spécifique aux milieux humides. Seuls quelques trouées éparses laissent encore apparaître l'eau de l'étang. À quelques pas de là, ce sont d'autres témoins de la Grande Guerre qui apparaissent. Le bâtiment en béton, qui sert aujourd'hui d'abri pour randonneur, était occupé par des pompes à eau et des groupes électrogènes. L'étang, fermé par une digue, était alors utilisé comme réservoir pour alimenter les premières lignes allemandes.
La forêt du Buchenkopf mêlée de sapins.
De l'étang du Devin à 926 mètres d'altitude, la montée vers la Tête des Faux se poursuit. Toujours balisé du rectangle rouge, le sentier assez pentu et caillouteux par moment, reprend en face de l'abri, et monte en lacets vers l'arrivée du téléphérique, un autre vestige de la Grande Guerre.
La gare d'arrivée du téléphérique en contrebas de la roche du Corbeau, et point de départ du funiculaire.
Construit à 1100 m d'altitude, sous la roche du Corbeau par les troupes du Kaiser, le téléphérique était destiné au transport du matériel et des munitions vers les premières lignes, et à l'évacuation des blessés vers l'arrière. Il prenait son départ devant l'église de Lapoutroie 675 m plus bas et distant de 3 km. De la gare d'arrivée, partait ensuite sur 500 m un funiculaire enterré le Rollbahntunnel vers le sommet de la Tête des Faux. Il s'agissait plus précisément d'une tranchée bétonnée, couverte de rails, de tôles, de bois et de terre, pour la dissimuler aux yeux des Français.
La roche du Corbeau.
L'étape suivante mène à la roche du Corbeau à 1146 m d'altitude. Il y a du monde autour du rocher, c'est l'heure du repas tiré du sac. Papiers gras, gobelets en plastique et bouteilles à moitiés vide, où pleine, c'est selon, jonchent le sol. Seules les pointes du rocher sont vierges d'occupation, pour l'instant. J'en profite pour faire une rapide photo souvenir, et quitter l'endroit.
Un fortin dissimulé par la végétation.
Après une courte descente, le sentier grimpe tout droit la pente abrupte, puis se perd au milieu des racines noueuses et des gros cailloux. Il est raide et fatigant, et la chaleur oppressante de ce mois de juillet rend la montée encore plus pénible. Sur la droite, dissimulés sous le bois mort et les fougères, quelques fortins de pierres et de béton veillent toujours.
La Tête des Faux.
Après un ultime effort, le sommet de la Tête des Faux se découvre enfin. Le sol est recouvert de bruyères et de myrtilliers qui forment un épais tapis. Par endroits des morceaux de tôle ondulées, du fils de fer barbelés, et des poutrelles métalliques couleur rouille, dépassent du sol meurtri.
Le jeudi 24 décembre 1914, jour de Noël, à 22h30, dans des conditions extrêmes, les Allemands montent à l'assaut de la Tête des Faux. Pendant plus de 6 heures, dans 40 cm de neige et par -18°, la bataille fait rage. Dans un premier temps, les Bavarois s'enfoncent dans la première ligne française sur une profondeur de 50 mètres. Mais ils échouent devant la seconde ligne, et sont repoussés dans la pente par les Chasseurs Alpins, qui y gagnent de la part de leurs adversaires le surnom de "Diables Bleus", tant leur résistance est opiniâtre.
Abri bétonné et arrivé du funiculaire enterré à la Tête des Faux.
Ce devait être une véritable vision dantesque, l'apocalypse, la fin du monde en technicolor. Les explosions qui déchirent les tympans et les corps, qui illuminent le ciel nocturne et déplacent les ombres. C'est le froid, la neige, et la peur, et les cris des blessés et des agonisants. Les balles qui sifflent et qui déchirent les entrailles. Et des vies qui plongent dans la nuit éternelle.
Le bilan de cet assaut est terrible. En quelques heures la bataille fait 550 morts, dont 137 Français. Deux mois plus tard, les Allemands reprennent l'offensive sur la Tête des Faux, mais une nouvelle fois, ils sont repoussés. Ils s'installent alors définitivement sur leur position, sous le sommet de la montagne occupé par les troupes françaises, et construisent les fortifications bétonnées que nous voyons aujourd'hui.
Le monument Demmler à la mémoire des Chasseurs Alpins.
Puis c'est le retour vers le point de départ. Le chemin passe par le bois de La Verse, en une descente rapide en lacets. Par moments, le balisage et le chemin disparaissent. Il faut alors les rechercher parmi les broussailles, le chemin ayant été modifié par des travaux de bûcheronnage.
Plan du circuit. Distance de 8.85 km pour un dénivelé positif de 503 m.
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