Du mont Saint-Michel au Warthenberg
Le château du Warthenberg était mentionné dans un document daté de 1158, concernant l'abbaye de Neuwiller-lès-Saverne. Pourtant personne n'arrivait à le localiser. Ce n'est qu'en 1979 qu'une équipe d'archéologues a décidé d'engager un programme de recherches et de fouilles. Ils ont alors mis au jour les vestiges de l'un des plus puissants châteaux forts construits en Alsace à l'époque romane.
Le 19 septembre 2025 - Saint-Jean-Saverne - Bas-Rhin
Texte & photos : Claude_H.
Mais ne grillons pas les étapes et commençons par le commencement ! La randonnée débute du parking qui longe sur la gauche la route forestière qui mène à la chapelle et au chalet du Club Vosgien du Mont Saint-Michel. Avant de nous lancer sur les chemins, un petit tour près de la chapelle avec sa vue sur la plaine, au rond des sorcières, à la grotte des Fées et à la fontaine aux Enfants ne se refuse pas.
Il y a fort longtemps, se rassemblaient ici autour de cette cuvette de près de 5 m de diamètre toutes les sorcières du pays de Saverne. Sous la direction d'Itha, sorcière en chef, et accessoirement épouse du comte Pierre de Lutzelbourg, les sorcières, assises à califourchon sur leurs balais, s'envolaient vers la colline du Bastberg au-dessus de Bouxwiller.
C'est là, sur cette colline emblématique, que se tenait une fois l'an le sabbat des sorcières, aussi appelé "La nuit de Walpurgis". C'est au cours de cette nuit d'épouvante et de beuverie que les sorcières et autres démons se réunissaient pour se livrer à des rites initiatiques et, entre autres, à d'horribles orgies.
Le promontoire, du haut de ses 19 mètres et émergeant à 373 m d'altitude, offre une vue panoramique exceptionnelle sur la plaine d'Alsace et sur les abords de Monswiller et de Saverne. Les châteaux du Haut-Barr, du Grand Geroldseck et le donjon du Greifenstein dressent leurs vestiges aux sommets des collines boisées environnantes.
Sous le promontoire, une grotte a été aménagée en abri sous-roche. Attesté dès le XIVᵉ, cet habitat est doté d'une énigmatique tombe mérovingienne. Trois périodes d'occupations ont été révélées lors de fouilles : celtique, romaine et médiévale.
À gauche du chemin qui monte depuis le parking se cache une petite source, aujourd'hui à sec. C'est le Kindelsbrunne, où naissaient jadis les enfants de Saint-Jean-des-Choux, l'ancien nom de Saint-Jean-Saverne.
Quand les arbres ont des yeux, les yeux malicieux de la forêt. J'ai beau chercher, mais je ne les retrouve plus. Ils étaient pourtant là, perchés à quelques mètres du sol il y a une dizaine d'années (déjà !) lors d'une précédente randonnée, à nous épier en grimaçant.
Après ces quelques considérations historiques et archéologiques, nous prenons la direction du carrefour de la croix de Langenthal. D'après la base Mérimée, la croix a sans doute été mise en place après 1870 pour remplacer un bildstock de 1611 érigé en mémoire de l'officier suédois Aelrichsen tué à cet endroit. L'inscription de l'ancienne croix fut reportée sur la nouvelle ainsi qu'une marque de tâcheron.
Direction la Heidenstadt, l'oppidum celtique datant de La Tène finale, entre 450 et 25 av. J.-C. En chemin, un panneau nous signale des travaux forestiers en cours avec accès interdit au public. En effet, un peu plus bas sur notre droite mais à bonne distance du chemin, le bruit de la tronçonneuse puis le craquement d'un tronc se font entendre.
Ne reculant devant aucun danger, nous poursuivons notre randonnée archéologique. Devant la porte ouest, nous partons vers la droite, vers l'impressionnant Plattenweg. Cette voie romaine, qui existait sans doute déjà à l'époque celte, est taillée dans le rocher, avec ses rails de guidage et ses traverses d'appui.
Par le haut du Plattenweg, nous suivons le GR 531 qui contourne la Heidenstadt dans une belle forêt ombragée. Nous voici devant le rocher du Frohnberg qui culmine à 398 m d'altitude. Son point de vue s'ouvre sur la plaine d'Alsace entre Saint-Jean-Saverne et Ernolsheim-lès-Saverne. Puis nous passons successivement devant la borne romaine et le Kanzelfels, un rocher solitaire en forme de calice, avant de rejoindre le chemin de la Heidenstadt que nous avons délaissé devant la porte ouest.
Toujours en direction du château, un petit aller-retour d'une centaine de mètres nous conduit vers la carrière du Frohnberg et tout à côté les Opferteller. La carrière médiévale a été utilisée pour l'extraction des pierres pour la construction du Warthenberg. Des encoches encore bien visibles servaient de logement à des coins en fer sur lesquels on frappait avec une masse pour faire éclater la roche. Les blocs étaient ensuite taillés à la forme voulue avant d'être transportés vers le chantier de construction du château.
À quelques mètres se trouve l'Opferteller, que l'on peut traduire par "assiette ou plateau à sacrifice". C'est un affleurement rocheux creusé de belles cupules mais d'origine tout ce qu'il y a de plus naturelle.
Retour sur le GR 531. Nous laissons le carrefour Kleinebene derrière nous. Le sentier se rétrécit puis longe le rocher du Huhnerfelsen. Enfin, à travers la végétation et les arbres encore bien verts, on distingue les vestiges du mur-bouclier et la base du donjon carré du château du Warthenberg.
Ce château roman du XIIᵉ siècle a eu une existence éphémère, puisqu'il est déjà question d'une tentative de reconstruction au siècle suivant. Son constructeur, Hugues de Dabo, comte de Metz, avoué de l'abbaye de Neuwiller, était issu de la puissante famille des Eguisheim-Dabo.
Il ne reste plus grand-chose de ce qui devait être autrefois un des plus vastes châteaux romans de la région. Juste quelques vestiges à peine visibles, comme des souvenirs flous d'un passé dont il ne reste rien.
Sur le chemin du retour, nous traversons la Heidenstadt que nous avions évitée à l'aller. Seule une levée de terre, vestige éphémère qui délimitait l'espace où se tenait autrefois un village celte, témoigne de son existence passée.
À la sortie ouest de la Heidenstadt, nous prenons à gauche en direction du mont Saint-Michel en suivant l'anneau bleu. Nous passons sous le Wasserfallfelsen totalement à sec, d'où ne tombe pas la moindre goutte d'eau. D'après certaines descriptions, la cascade se drape en hiver de rideaux de glace ! Encore deux ou trois lacets vers l'amont et nous voici déjà de retour à notre point de départ.
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