Le canal de la Bruche - 1ère partie
En dépit d'une forte pression agricole et urbaine, une petite partie du ried de la Bruche est encore restée libre et constitue un sanctuaire de biodiversité pour la faune et la flore. Mais pour combien de temps encore?
- Par moi-même - Publié le 26 décembre 2010 - De Molsheim à Strasbourg
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Dernière mise à jour le 09 juillet 2024
La vanne de prise d'eau et de régulation de la tête du canal à Soultz-les-Bains. La Mossig, avec une partie des eaux de la Bruche devient le canal. C'est aussi le kilomètre zéro de notre petit voyage le long du canal de la Bruche.
Une vieille histoire
Le tracé du canal utilise en partie un ancien fossé daté du XIIe siècle. En 1402, l'évêque de Strasbourg, Guillaume II de Diest et le magistrat* de Strasbourg, décident le creusement d'une voie d'eau pour la construction de la cathédrale de Strasbourg. Ce canal devait utiliser en partie des anciens bras de la Bruche. Mais devant le coût trop élevé des travaux et les différends qui opposèrent par la suite le prélat et le magistrat, le projet bien que déjà commencé du côté de Molsheim, ne fut jamais réalisé.
*Magistrat: Gouvernement de Strasbourg composé d'un Amtmeister, et des conseils des XIII, des XV et des XXI.
Le barrage du grand reversoir d'Avolsheim permet de refouler, selon les besoins, une partie des eaux de la Bruche vers la tête du canal à Soultz-les-Bains. Il a été rénové en 1784 et reconstruit en 1803.
Dans le prolongement du grand reversoir, se trouve trois vannes de fond construites en 1760 et remises à neuf en 1807. Elles sont destinées à limiter les crues, et permettre le nettoyage du fond du grand reversoir où s'accumule la vase, le bois mort et autres déchets.
Le Bras d'Altorf se sépare de la Bruche. La passe à poissons du barrage Hermani.
Au sud de Molsheim la Bruche se divise en deux. Le Bras d'Altorf, qui était autrefois le lit principal de la Bruche, s'en sépare et poursuit son cours vers l'Est. Après un parcours de 12 km, le Bras d'Altorf rejoint à nouveau le cours principal de la rivière en amont de Holtzheim.
Le barrage Hermani à Molsheim.
La mise en service en 2011 de la passe à poissons du barrage d'Avolsheim, permet à nouveau aux poissons migrateurs de contourner l'obstacle, et de poursuivre leur remonté de la Bruche.
La poule d'eau est reconnaissable à son plumage noir et à son bec rouge à bout jaune. C'est un oiseau familier du canal.
L'ancien chemin de hallage est devenu une piste cyclable.
Prise d'eau du Muhlbach de Wolxheim.
Le rat musqué nous vient d'Amérique du Nord. Il a été introduit en Alsace dans les années 1920 à des fins de commercialisation de sa fourrure. Des individus se sont échappés des élevages. Il vit maintenant à l'état sauvage. Le rat musqué mesure jusqu'à 65 cm de long dont 20 à 25 cm de queue aplatie latéralement, pour un poids moyen de 1,5 kg.
Sous le ciel pâle de décembre, la terre a blanchi. Et les eaux sombres du canal endormi, reflètent la lumière en une infinie nuance de gris.
Maison éclusière n°2, Ergersheim.
Les eaux tranquilles du canal assoupi s'écoulent avec lenteur entre les roseaux et les nénuphars.
Le canal de Champagne
Le creusement du canal était destiné à l'origine à un usage militaire. Par la suite, le transport commercial prit le relais, quand la construction des défenses de Strasbourg furent achevées. Toute sorte de marchandise transitait alors par le canal, et notamment du bois pour le chauffage et la construction. Il provenait des forêts de la haute vallée de la Bruche et acheminé par flottage sur la Bruche jusqu'à Wolxheim. Le bois était d'abord entreposé sur les bords du canal entre Soultz-les-Bains et le grand reversoir d'Avolsheim...
Canard branchu mâle sur la Bruche.
...Il était ensuite transbordé sur les bateaux pour être acheminé à Strasbourg. Mais le débit de la Mossig n'est pas suffisant pour maintenir un niveau correct pour la navigation sur le canal. C'est un système complexe qui est alors mis en place. Le cours de la Bruche est détourné via un canal appelé "canal de Champagne", creusé entre le Dachsteinerbach, qui est un ancien lit de la Bruche, et le grand barrage d'Avolsheim. Celui-ci devient ainsi l'élément essentiel du système de régulation des eaux. Le barrage refoule une partie des eaux de la Bruche vers la tête du canal par l'ancien lit de la Mossig.
Sur la maison solitaire le soir se fait. Un vent glacé court sur la plaine où s'empilent tous les flocons, tombés du ciel. La maison éclusière n°3 à Ernolsheim-sur-Bruche.
Le canal disparaît presque entièrement sous la végétation. Envasement, troncs d'arbres et plantes aquatiques prennent possession du cours d'eau.
Canard colvert mâle. Tout comme la poule d'eau, le colvert est un habitué du canal.
La dérivation de l'écluse n°3 d'Ernolsheim-sur-Bruche, rejoint le canal à hauteur de la Schlossmatt.
Le pont qui enjambe le canal à Ernolsheim-sur-Bruche, disparaît presque entièrement sous les branches chargées de neige.
La navigation sur le canal
Les dimensions très réduites du canal, 8 m de large et 1.30 m de profondeur, ne permettaient que la circulation de bateaux à faible tonnage, soit 30 à 50 tonnes maximum. Long de près de 20 km, ce sont 11 écluses, et autant de maisons éclusières, qui rattrapent un dénivelé de 33 m. Les dimensions des écluses sont toutes identiques, soit 48 m de long et 4.50 m de large entre les deux parois latérales. La dernière écluse, située à la Montagne-Verte, est en réalité une écluse double. Au fil du temps un trafic commercial se développa sur le canal...
Ouette d'Egypte sur la Bruche.
...Toute sorte de marchandise transita sur la voie d'eau, des pierres de taille, des briques, du plâtre, des betteraves etc. Des forêts vosgiennes descendaient par la Bruche du bois de flottage jusqu'à Wolxheim où il était d'abord stocké, puis transbordé sur les bateaux. Le trafic atteint son apogée vers le milieu du XIXe siècle, avec près de 50000 tonnes de marchandises transportées par an. Puis le déclin s'amorça avec l'industrialisation et l'ouverture des lignes de chemin de fer. En 1924 le tonnage annuel avait diminué de moitié, et à la veille de la Seconde Guerre mondiale la navigation commerciale sur le canal s'arrête. En 1959 le canal est déclassé des voies navigables.
La maison éclusière n°4 en aval d'Ernolsheim-sur-Bruche. Est-elle vouée à disparaître ?
Février 2017. C'est ici qu'un viaduc de 480 mètres de long et de 23 mètres de large, va enjamber les deux cours d'eau entre Ernolsheim et Kolbsheim.
Le canal et la Bruche vivent leurs derniers moments de calme et de sérénité. Fin 2017 devraient débuter les travaux pour la construction de l'autoroute A355, aussi appelé "GCO ou Grand Contournement Ouest " de Strasbourg. On ne pourra plus que constater, une fois de plus, la destruction et la régression d'une nature jusque-là préservée tant bien que mal. Oublié la quiétude et la sérénité, l'odeur fraîche des bois et des prés fauchés. Fini le chant des oiseaux, le toc-toc du pic épeiche et le vol rapide du martin-pêcheur au-dessus de l'onde. La vie sauvage sera repoussée vers des territoires de plus en plus exigus.
Mars 2019. En 2 ans, une tranchée de 24 kilomètres de long a été ouverte à coup de bulldozers. Elle passe à quelques mètres de la maison éclusière n°4 d'Ernolsheim-sur-Bruche.
Pour passer la mauvaise saison, chevrettes et brocards se rassemblent en hardes.
Sortie du bosquet, une chevrette peut-être moins craintive, s'est détachée du groupe.
Des milliers de saules ont été plantés pour consolidés les rives du canal, comme ici entre Ernolsheim-sur-Bruche et Kolbsheim.
Sources:
-Notices historiques, statistiques et littéraires sur la ville de Strasbourg, de Jean-Frederic Hermann, 1817.
-Bulletin municipal n°16 d'Eckbolsheim. 1981.
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