Le château de Landsberg
Ce ne sont pas moins de neuf châteaux-forts, plus ou moins bien conservés, qui formaient une ceinture de protection tout autour du couvent du Hohenburgerberg, le mont Sainte-Odile. Depuis les deux châteaux d'Ottrott ; le Rathsamhausen et le Lutzelbourg, puis en partant dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, on trouve successivement le Koepfel, le Waldsberg, aujourd'hui appelé Hagelschloss, le Kagenfels, les Dreistein, le Birkenfels et le Landsberg. À tous ces châteaux, il faudrait rajouter le Hohenburg, le château d'en haut, le premier d'entre eux. Malheureusement il n'en reste rien, c'était le château d'Adalric, duc d'Alsace et père d'Odile.
Au détour du chemin qui emprunte une partie du "Sentier géologique", se dressent sur une butte de granite à 598 m d'altitude, les magnifiques ruines du château médiéval du Landsberg. Il a été érigé par le chevalier Conrad de Vinhege* au crépuscule du XIIe siècle. Sa lignée prendra alors le nom de Landsberg. Mais l'abbesse Herrade (de Landsberg)n'y a jamais vécu, elle est morte quelques années avant sa construction. Tous les ans, entre février et mars, une petite fleur jaune éclos dans la cour du château, on l’appelle S'schlossbluemel.
Cl. Heitz
*À l'extrémité Sud d'Obernai, en direction de Goxwiller, se trouvait jadis un village, aujourd'hui disparu, qui portait le nom de Vinhege, aussi orthographié Vinhey ou encore Finhey.
Le château de Landsberg - Heiligenstein Bas-Rhin le 28 octobre 2012 - Mise à jour du 06/12/2021
À la découverte des vestiges du château
Surgissant de la forêt, le Landsberg semble sorti tout droit d’un songe. La forteresse, aussi austère que grandiose lorsqu’elle est endormie sous un manteau blanc, déploie désormais sa silhouette médiévale. Les ruines ne résonnent plus des pas des chevaliers. Mais lorsque la bise du Nord souffle et que la neige recouvre les vieux murs affaissés et rongés par le lierre, on peut entendre, pour qui sait être attentif, des chants étranges venue du fond des âges descendre de la montagne.
C'est dans une atmosphère un peu irréelle que je me suis promené, un matin d'hiver, au milieu des ruines du château médiéval. La neige, durcie par le gel crissait sous mes pas. Mais été comme hiver, c'est un émerveillement que de se promener dans les vestiges très bien conservés du castel.
Mes chaussures s'enfonçaient de quelques centimètres dans la neige. J'avançais doucement en assurant mes pas. Et puis le brouillard se leva et glissa sur la Bloss, et toute la montagne se retrouva enveloppée dans un gris uniforme. Petit à petit, la vision fantomatique de la vieille bâtisse médiévale se dissipa dans la brume. C'est le règne du silence absolu, dans ce lieu isolé et calme, pas le moindre bruit ne vient rompre ce moment hors du temps.
Commandité par le comte Palatin Otton Ier de Bourgogne, le château primitif, de style roman, a été construit sur un éperon de granit, entre 1197 et 1200 sur le flanc Sud-Est de la Bloss par le chevalier Conrad de Vinhege, sur des terres dépendant de l'abbaye de Niedermunster. Le Landsberg devait protéger les terres et domaines impériaux des abbayes de Hohenburg, Niedermunster, Andlau et Barr. Agrandi vers le milieu du XIIIe siècle, il est restauré à plusieurs reprises par ses propriétaires successifs. Aux cours des siècles suivant, des travaux sont engagés pour adapter le Landsberg à l’usage des armes à feu et de l’artillerie. Il est détruit en 1632 pendant la guerre de Trente Ans. Les textes ne sont guères prolixes quant à l’histoire du château. Dès le XVIe siècle, il est progressivement laissé à l'abandon, est décrit comme ruiné au milieu du XVIIe siècle.
Une brèche dans la façade Nord-Est, donne accès à un agrandissement du château en forme de L au XIIIe siècle. On y trouve un logis avec une cheminée et de grandes baies qui ont été murées par la suite. À droite, deux tours de flanquement circulaires complètent l'ensemble.
Mais la neige recouvre tout, il m'est difficile de voir autre chose que les vieux murs fissurés ou en partie écroulés. J'avance avec précaution. Il y avait là, à chacun de mes pas, une histoire cachée sous la neige.
La majeure partie des bâtiments romans encore visibles aujourd’hui, ont été construit sous l’empereur Henri VI de Hohenstaufen. Au Sud-Ouest, entre le donjon et la muraille extérieur, s'entasse un amas de pierres à bossage. Ce sont les vestiges de bâtiments du XIIIe siècle.
Sur la façade Sud-Est, la porte d'entrée ogivale du château primitif est dominée par l'oriel, qui abritait la chapelle. Un oriel est une fenêtre en encorbellement qui fait saillie sur la façade d'un bâtiment.
Je me trouve maintenant dans la partie la plus ancienne du château, le logis seigneurial. Au-dessus de moi, se dresse le donjon carré de 10 m de côté. Un angle de la tour fait face à la montagne, d'où pouvait venir un éventuel assaillant. Sur deux côtés, on voit des traces de toitures. Le premier niveau du logis est percé de quatre fenêtres géminées. De l'extérieur du palais, on distingue sur la partie basse, des fentes d'éclairage qui indiquent le niveau de la cave. Je termine ma promenade castrale par la façade Nord-Est du château roman.
Au cours du XVIe siècle, il est peu à peu abandonner à son sort par les Landsberg, qui se retirent dans leur château de plaine à Niedernai, bien plus confortable. Mais ce sont les Suédois, qui en 1632 sonneront le glas du château. Seul un garde-forestier veille encore en 1733 sur les murs. Au début du XIXe siècle, Bernard Frédéric de Turckheim en fait l'acquisition.
La lignée et le nom des Landsberg se sont éteints en 1837, avec la mort d'Alexandre Louis de Landsberg.
Eranthis hyemalis
Mais mon récit n'est pas encore tout à fait terminé. Comme chaque année, vers la fin de l'hiver, quand le froid, enfin, relâche son emprise et que la neige par endroits blanchit encore le sol, la basse-cour du château se couvre d'un tapis de petites fleurs jaunes, c'est l'éranthe d'hiver.
C'est une plante protégée qui ne pousse qu'à cet endroit, il est donc interdit de la cueillir. Je suis retourné au Landsberg au début du mois de mars de l'année suivante. Un tapis jaune recouvrait alors le sol de la basse-cour du château médiéval.
La légende de la mystérieuse fleur jaune
De retour de croisade, un chevalier de Landsberg profita d'une escale en Italie pour acquérir quelques graines, dont une vieille femme, qui passait par là, lui vanta les propriétés. Il reprit donc la route vers son Alsace natale, avec quelques graines dans sa bourse. Lorsqu'il arriva enfin à la porte de son château, sa promise se précipita dans ses bras. Le sachet de graines, qu'il tenait dans sa main se rompit, et laissa échapper son contenu qui se répandit dans la neige. On était à la fin de l'hiver.
Herrade (de Landsberg)
Qui était-elle vraiment ?
Herrade, qui succède à Relinde, était abbesse du couvent de Hohenbourg, le mont Sainte-Odile, de 1167 jusqu'à sa mort en 1195. Elle est connue pour être l'auteure de l’Hortus deliciarum, le Jardin des délices, une encyclopédie manuscrite qui résume les connaissances théologiques et profanes de l'époque.
On sait peu de choses sur la vie d'Herrade. On a longtemps supposé qu'elle était issue de la noble famille alsacienne de Landsberg et quelle aurait composé son recueil enluminé à l'ombre des hautes murailles du Landsberg. Il n'en est probablement rien, Herrade ayant quitté ce monde quelques années avant la construction du château. Les origines tout comme le lieu de naissance de l'abbesse sont inconnus. On sait néanmoins qu'elle est née entre 1125 et 1130 et quelle est morte au couvent de Hohenbourg en juillet 1195. En complément, voici un lien vers un article plus complet pour ceux qui sont intéressés sur la vie et l'œuvre de Herrade dite de Landsberg.
Le rocher Herrade, se cache dans la forêt au pied du château de Landsberg
D'après la légende, l'abbesse serait venue chercher l'inspiration sur ces rochers pour rédiger son célèbre manuscrit.
P.S. Le Jardin des délices n'est pas un livre sur le jardinage.
Entre 1159 et 1175, Herrade, avec l'aide de ses moniales du couvent du Hohenbourg et de la biblothèque bien fournie des chanoines de Marbach, se lance dans la réalisation de cette œuvre magistrale qu'est l’Hortus Deliciarum. Cette encyclopédie est la somme de toutes les connaissances de l'époque médiévale. Dans ces écrits, elle site des théologiens de son époque. Outre le côté religieux du codex dont des chants liturgiques, Herrade évoque la cosmologie, l’agriculture, la topographie, la philosophie, mais également la médecine, l’anatomie et autres sciences.
Scène de guerre, Josué combattant les Amalécites
La fin de l'Hortus déliciarum
Une fois de plus, un incendie ravage le monastère en 1546, mais le précieux manuscrit est sauvé des flammes. L'évêque de Strasbourg le fait déposer aux archives de son château de Saverne. En 1695, on le retrouve au couvent des Chartreux à Molsheim. Enfin, en 1803, il est transféré définitivement de Molsheim à la bibliothèque municipale de Strasbourg. Il disparaît dans les cendres de la bibliothèque.
Le 24 août 1870, lors de la guerre franco-prussienne, Strasbourg est assiégé puis bombardé. Dans la nuit du 24 au 25 août, l’église du Temple-Neuf avec l’orgue ainsi que la bibliothèque, où est entreposé l'Hortus Déliciarum, sont réduits en cendres par des obus incendiaires tirés depuis les faubourgs de la ville.
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