Quelques pas le long de la Moder

C'est en amont d'Ingwiller, par une froide mais lumineuse matinée d'hiver, que je me suis aventuré le long de la Moder.

C'est une bande de terre, de moins de 100 mètres de large, entre Wingen-sur-Moder et Ingwiller. Seules quelques vaches venues spécialement d'Écosse, des black belted galloway, entretiennent l'endroit. Poils noirs et ceintures blanches autour du ventre, elles sont reconnaissables de loin. Vaches sans cornes, elles sont réputées pour leurs rusticités. Avec plusieurs couches de poils, longs et bouclés qui repoussent l’humidité, elles vivent en plein air toute l’année et résistent à des températures pouvant allez jusqu’à -25 °. Véritables débroussailleuses, elles mangent de tout, joncs, ronces, etc.

La Moder - Wingen-sur-Moder Ingwiller Bas-Rhin le 27/01/2022

Le petit ruisseau, issu des collines des Vosges du Nord, prend sa source à Zittersheim, au lieu-dit Moderfeld, un hameau posé à 370 mètres d'altitude au pied du Grand Mittelberg. Du plateau dégagé, il coule vers le vallon encaissée aux versants raides. Dans sa course tranquille, il entraine avec lui de fines particules de sable, qu'il dépose çà et là aux grés de ces envies.

Le vallon boisé semble livré à lui-même. Quelques vieux arbres encore debout, étendent leurs longs bras chargés de mousse.

D'à peine trois mètres de large, la Moder coule paisiblement sur un lit de sable aux abords marécageux, bordée de minuscules plages de sable fin.

Au milieu des collines, dont les plus hautes culmines à moins de 300 mètres, le petit ruisseau traverse mollement le vallon, en faisant juste assez de bruit pour vous inviter à la rêverie.

Au fil du temps, le nom de "Moder" subira de multiples variations orthographiques; Matra, Mathera, Matre où encore Moderbach. Mais les historiens sont plus ou moins d'accord sur l'origine celte du nom de Moder.

Les branches anguleuses des arbres dénudés, s'étendent comme de grands bras décharnés.

Au solstice d'hiver, l'obscurité domine la lumière. Le soleil, trop bas sur l'horizon, peine à illuminé le fond du vallon.

Comme tant d'autres, cet espace fragile, un peu à l'écart de nos vies et pourtant si proche, porte en lui une infime partie de l'âme du monde originel.

D'étranges dessins abstraits se forment dans les flaques d'eau gelées. Des cheveux de glace ont poussé sur les branches humides.

Et avec un peu de chance, on pourra observer un chevreuil, animal tellement discret que nous ignorons souvent sa présence. Il se dévoile fortuitement, dans le clair-obscur d’une aube ou d’un crépuscule. Après avoir mesuré le danger potentiel que nous représentons, par petits bonds successifs, il se faufilera pour disparaître furtivement dans les fourrés.

Après deux ou trois heures d'exploration et de pensées vagabondes, je laisse filer les eaux claires du ruisseau. Débouchant sur la plaine, le cours de la rivière est dompté et canalisé dès la traversée d'Ingwiller. Rectifié et cerné par le béton, la Moder traverse ensuite le nord du Bas-Rhin sur toute sa largeur. Après avoir encore absorbé les eaux de la Zorn, la rivière se jette dans le Rhin près de Neuhaeusel.